2022 raisons d’écrire

Je me suis replongée récemment dans la lecture de quelques uns des billets de ce blog. J’ai grincė des dents en re-découvrant certaines tournures de phrase et ma syntaxe parfois douteuse. Mais surtout j’ai réalisé comme ça me manquait. Je n’ai pas trouvé le temps d’écrire depuis très longtemps. Peut-être que je ne l’ai pas cherché non plus, ce temps.

Ironiquement, cela coïncide plus ou moins avec le moment où je suis devenue rédactrice-en-chef d’une publication (un plot twist vraiment). Parce que finalement, j’en ai vu passer des mots en 3 ans. Mais très peu étaient les miens. J’ai relu, corrigé, édité de nombreux articles, des interviews. J’ai beaucoup appris. J’ai progressé, je crois. Mais je n’ai pas beaucoup écrit. J’en meurs d’envie souvent pourtant. Surtout en ce moment, alors que la vie a repris un certain rythme et que j’ai beaucoup à dire après des mois de solitude et d’introspection.

Photo floue d’une soirée pendant le PornFilmFestival Berlin après 2 ans d’éloignement

Quelques personnes m’ont récemment demandé pourquoi je n’ai pas continué le « Journal d’une camgirl » après la saison 4, celle où je pars à Berlin tourner mon premier film. Il y a une vraie raison. Depuis 2017, je ne travaille plus jamais en solo. Je fais des films ou des vidéos en collaboration, et cela implique de travailler à plusieurs, au moins à deux, parfois à dix. Ce n’est donc plus mon histoire que je raconterais mais aussi celle des nombreuses personnes qui ont croisé ma route. Ont-elles envie que leur vie soit racontée sur internet ? Aurai-je envie de parler aussi sincèrement sachant qu’elles pourraient me lire ?

Toutes les fois où j’ai parlé de quelqu’un d’autre dans ce blog, j’en avais demandé l’autorisation. Mais c’était rare, ponctuel, et les circonstances étaient tellement différentes ! Le Journal racontait avant tout mon histoire. Celle d’une débutante, d’une meuf un peu paumée qui savait pas trop où elle mettait les pieds et qui découvrait ce que ça impliquait de montrer son cul sur Internet. De vous à moi, si j’avais su à l’époque ce que je sais maintenant, il y a beaucoup, beaucoup de choses que j’aurais fait autrement.

Aujourd’hui, je me rends compte que ma vie dans le porno n’a rien à voir avec l’époque où j’étais camgirl. D’une part, je sens que j’ai une responsabilité, presque un « rôle » à tenir correctement et qui m’empêche parfois de rester candide comme je pouvais l’être avant. D’autre part, si je racontais ce que je vis sur les tournages, je raconterais une histoire commune, partagée, sans qu’il soit possible de rendre les récits anonymes. Je pourrais, par exemple, vous raconter l’histoire du premier tournage avec Parker, puisqu’il m’en avait donné l’autorisation. Mais sa disparition de la scène aussi soudaine que surprenante me fait penser qu’il a sans doute eu envie de tourner la page, et qu’il aimerait qu’on l’oublie. Je ne sais pas, je suppose. Il me manque.

Je pourrais sinon vous raconter l’histoire des derniers tournages. Ceux de 2019, par exemple. Mais l’un d’eux m’obligerait à dévoiler une petite part de vie privée, de sentiments, et je ne sais pas si j’en ai envie. L’autre une expérience qui n’était pas idéale et qui pourrait blesser quelqu’un si je l’exprimais ici.

Et depuis fin 2019, il s’est passé quoi ?
Ça je peux peut-être vous le raconter.

Depuis fin 2019, hé bien, c’est très dur. J’ai appris à gérer une boîte de production seule, en pleine pandémie, dans un secteur qui subit des changements profonds et complexes à cause du climat politique conservateur. Le tout alors que j’étais en pleine gestion de ma santé mentale qui était déjà un peu compliquée avant le COVID. C’est pour cela notamment qu’il y a eu peu de sorties sur Carré Rose Films. J’étais complètement dépassée. J’ai quand même réussi à sortir Détartrage en 2020. Mais ensuite, on a manqué d’argent pour finir le reste, et ensuite, j’ai passé des heures chez des psy pour me faire diagnostiquer mon TDAH, et ensuite j’étais crevée parce que j’avais le Tag Parfait à gérer, et que je faisais tous les mois de l’administratif en double… Et après, le système de paiement qu’on utilisait pour Carré Rose Films a fermé sans préavis, et par dessus tout ça, la croisade anti-porn a commencé par l’attaque de Visa et Mastercard contre Pornhub et un amendemement voté en France qui met en péril tous les sites porno. Là, j’avoue, j’en ai eu un peu marre. Je me suis retrouvée avec des films, un site, et aucun moyen de rentrer de l’argent dans les caisses, le tout sous la menace de tout voir disparaître du jour au lendemain, après des années de travail bénévole. Car oui, comme il n’y a pas assez d’argent pour payer tout le monde donc je fais passer les autres en premier et je ne me paie pas. J’ai beau être passionnée par ce que je fais, des fois, c’est dur.

Tout ça, j’ai mis des mois à m’en relever. J’ai failli tout plaquer. Plein de fois. Il a fallu refaire toute la structure du site de Carré Rose Films pour l’adapter à un nouveau système de paiement, alors qu’il avait à peine un an. Et bien sûr, je n’avais pas les moyens de payer un webdév, vu qu’on rentrait pas du tout d’argent. J’ai failli laisser tomber. Du coup 0ri m’a aidé tant que possible, bénévolement, sur le peu de temps libre qu’un gros 35 heures peut vous laisser. Entre temps, j’ai mis quelques films chez des collègues, notamment PinkLabel.tv, afin de limiter les dégâts financiers. J’ai accepté un partenariat avec Dorcel pour un week-end en me disant que ça allait bien aider, et j’ai reçu des messages de gens outrés que je puisse m’associer à une marque de mainstream dont les valeurs « sont à l’opposé des miennes » (je les cite). Pas simple. Finalement, après beaucoup d’autres coups durs et péripéties que je vous épargne, un an et quelques mois après avoir sorti le dernier film, on a pu remettre en route le site. On peut désormais soutenir mensuellement la prod et avoir accès aux 10 films qui sont déjà en ligne par la même occasion. Je travaille maintenant avec une nouvelle équipe de dévs, 0ri a retrouvé ses week-ends, et le site fonctionne.

Cela m’a redonné la foi (et le budget) pour produire en 2022, pour écrire des scénarios et reprendre les tournages. Mais d’abord, j’ai quatre films à terminer et à sortir. Je vous lâche les titres en exclu : on aura d’abord « 60 minutes avec Bishop », puis « Safeword: 8 » avec June Fontaine et Cas Cuit, puis « 60 minutes avec Fennel », puis enfin un projet auquel je n’ai pas encore trouvé de nom satisfaisant tourné en 2018 à Londres avec Dante, à mes débuts, mais avec des idées de montage qui étaient trop ambitieuses pour mon niveau de l’époque. Et j’espère tourner au moins deux films avant l’été pour proposer de la variété et de la nouveauté sur Carré Rose Films. Il y en aura au moins un avec Nyx, car j’ai adoré travailler avec ellui sur Détartrage. Je pense aussi à Maria Riot, à Kali Sudhra encore… et d’autres. Des idées j’en ai plein, ce qui manque toujours c’est l’argent (abonnez-vous). Mais ça viendra peut-être.

Et puis, si vous avez suivi, j’ai monté un projet de documentaire avec Prune, qui s’appelle « Télétravail du sexe » et qui comme son nom l’indique, parlera des personnes qui font des contenus pour adultes de manière indépendante, de chez eux. Le tournage devrait commencer rapidement, grâce au soutien qu’on a reçu via un crowdfunding chez Ulule. Je suis ravie de ce nouveau défi. Depuis 2017 et « Amateurs Professionnels » j’avais envie de m’attaquer à nouveau au sujet du « TDS virtuel », mais cette fois en indépendante. J’espère être à la hauteur.

Voilà donc comment j’aborde la nouvelle année. Avec de l’espoir, de la foi, et quelques fidèles abonnés. Meilleurs voeux à tous·tes. Prenez soin de vous.

Photo en une par Relevant Flesh à la Résidence Ardente 2021, prise au moment où j’ai enfin retrouvé ma clique et que la D a atteint mon cerveau.

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