Précédemment, dans le Journal d’une Camgirl : dans le cadre de mon travail pour Le Tag Parfait, je suis partie au festival du film porno à Berlin. J’y ai rencontré des gens passionnants et j’en suis revenue heureuse de mon travail et de vivre une aventure aussi chouette que celle-ci… Une fois à Toulouse, la routine reprend.
Après le PornFilmFestival, reprendre la vie normale a été un peu difficile. Je n’ai plus de téléphone en plus, moi qui suis particulièrement accro, ça ne m’aide pas. Je reviens en webcam, à la fac, au travail.
Il s’est quand même passé quelque chose de particulier. Enfin, plusieurs à vrai dire.
J’avais un rendez-vous pour un Skype d’une heure avec mon principal tipper de Chaturbate, celui avec qui il y avait déjà eu des frictions par le passé. Je me prépare et quelques minutes avant je prends mon téléphone pour lui annoncer que je suis prête, et là impossible de trouver son compte. Il a supprimé son Twitter, sans me prévenir. Bien sûr je n’ai pas d’autre moyen de le contacter, et personne sur Skype. J’ai pas réfléchi longtemps. J’ai bloqué et je suis passée à la suite. Un truc comme ça après le passage compliqué de l’année dernière, merci mais c’est bon. Bye. Des marques d’irrespect j’en reçois tous les jours, c’est rien, mais là je ferai plus d’effort. Surtout pas avec lui.
Heureusement, j’ai un show avec mon client de shows privés le plus régulier de tous, avec qui ça se passe toujours bien. On n’a que peu discuté. Je ne connais pas grand-chose de lui à part son prénom. Il me l’a dit car il voulait que je le dise pendant que je jouissais pour lui à la webcam. Aujourd’hui il m’a avoué qu’il me suivait sur instagram avec son vrai prénom et qu’on s’était déjà parlé en message privé. Je suis un peu intriguée, et amusée d’être prise à mon propre jeu, celui de la double identité. Ce n’est pas surprenant cependant, comme beaucoup de monde il a plusieurs profils, dont un pour les contenus érotiques ou pornographiques. Après le show, j’ai quitté la conversation et suis restée quelques minutes à me demander qui il pouvait bien être. Je parle avec au moins 10 à 15 personnes par jour sur les réseaux sociaux, donc j’ai un peu de mal à le remettre. Bof, je me suis dit que c’était pas très grave puis je suis allée prendre une douche.
Seulement voilà, j’ai passé tout le temps de ma douche à me demander qui il pouvait bien être. Puisqu’on a déjà pas mal échangé selon lui, je devrais m’en rappeler, mais ça me revient pas. Je suis sortie de la salle de bain et j’ai commencé à fouiller dans mon téléphone, dans ma boîte Instagram. Merde. J’ai deux personnes avec le même prénom dans les messages récents. Je réfléchis.
Soudain j’ai une idée. Je me connecte à ma cagnotte et je recherche les noms des dernières personnes qui m’ont réservé un show privé. Ah. Le malin, il a pris un pseudo aussi pour payer. Je remonte la liste jusqu’en haut, au cas où. Bingo ! Le tout premier paiement est de lui et il est à son nom complet. Je vois tout à fait de qui il s’agit maintenant, bien entendu. Seulement, j’ai pas du tout été regarder son profil. Je ne fais jamais ça. Quand on me parle ou qu’on me pose des questions je réponds, mais je ne vais pas plus loin, à part si c’est un photographe qui me contacte pour faire des photos. Bon. Il a réussi à piquer ma curiosité, je ne sais comment. Je suis donc allée voir son profil Instagram. Je suis en train d’aller à l’encontre de mon principe de maintenir une barrière entre mes viewers et moi. Tant pis.
Un portrait Harcourt en photo principale. Des clichés plus ou moins professionnels de lui, sur scène. Sur scène ? La vache, c’est un artiste en fait ! Et dans un domaine que j’apprécie beaucoup, mais dans lequel je ne suis pas plus calée que ça, ce qui explique que son nom ne m’ait pas mis la puce à l’oreille (ndlr : pour des raisons évidentes d’anonymat je n’en dirai pas plus.) Je suis rapidement passée de son Instagram à son Twitter, puis à Google. Je trouve des articles de presse, que je parcours rapidement, puis des vidéos YouTube. Ah ok, le mec est clairement pas le nullos du coin, je vois même très bien qui il est maintenant. Je passe des heures à chercher tout ce que je peux sur lui et des performances live. Je tombe même sur des choses que j’avais déjà vues par le passé. Merde, je suis sur le cul.
Découvrir tout cela a ouvert une sorte de vanne. J’ai pris la liste de tous les noms de clients que j’avais soit sur skype soit sur les comptes de paiement et j’ai tout rentré dans Google. J’ai l’impression de faire quelque chose de mal… et sans doute est-ce le cas d’ailleurs. Je découvre des profils tellement différents, des informaticiens, un journaliste d’une chaîne nationale, un mec du coin, un autre qui habite là où j’ai grandi, un papa, un hipster… Des gens quoi. Des gens intéressants même, avec des profils complètement différents.
Je repense à l’année dernière, à ce message que j’avais reçu sur Twitter de la part d’un compte certifié. Mais attention, un gros compte, une célébrité quoi. Quelqu’un dont tout le monde connaît le nom. J’avais cru à une blague mais non, la personne me demandait bien un show privé. Au moment de me connecter sur Skype je n’y croyais toujours pas mais pourtant, c’était pas un canular. J’avais halluciné. À l’époque, ça m’avait fait comprendre des choses sur mon métier et le rapport aux gens. Le sexe c’est universel, tout le monde ou presque le pratique.
Moi qui mets un point d’honneur à expliquer aux gens que le fait d’être animatrice webcam ne me définit pas, que je suis plus que ça, que je suis ça et autre chose à la fois j’ai l’impression qu’en découvrant la profession si prestigieuse de mon plus fidèle client je viens seulement de réaliser que pour les viewers, c’était pareil. Ils sont plus que juste un pseudo dans mon skype, qu’une ligne dans mes mails.
Je me sens conne.
Je suis sur mon lit, en train de regarder la liste des prochaines représentations live de mon client. Je me dis que ce serait super intéressant de le rencontrer.
Lui et les autres aussi.
Pourquoi pas ?
Une réflexion sur “Journal d’une Camgirl #306 – Pardonnez-moi, car j’ai stalké”