Journal d’une Camgirl #404 – L’Anglaise a débarqué

Précédemment dans le Journal d’une Camgirl : un mois de mai chargé mais heureux m’a emmené à Paris, à Marseille et à la rencontre de nombreuses personnes formidables. Je continue ma route, sans réfléchir, sans me reposer.

De retour à Toulouse après cette semaine chargée, j’apprends en consultant les résultats des partiels du 2ème semestre que j’ai validé ma première année. Je suis archi soulagée car vraiment, j’ai besoin de passer à autre chose, et je ne voulais pas rester avec cet échec sur le coeur. Cependant, j’ai à peine le temps de me reposer que je dois me rendre à la soirée de lancement de la Revue Berlingot, emmenée par Marie Savage qui vit par ici. Il y a si peu d’événements autour de la pornographie et de l’érotisme dans le coin que je ne peux pas louper ça. La soirée commence par une performance de Shibari, où je retrouve pas mal de personnes que je connais. Le monde est très petit. Surtout dans le cul, surtout à Toulouse.

Un extrait de la Revue Berlingot #1

Plus tard je discute avec Marie. Elle a fait un super livre, et un bel événement. Elle me confie l’exemplaire qu’elle a réservé à Vex lorsque je lui dis qu’elle arrive demain à Toulouse, justement. Marie a plus ou moins la même réaction que tout le monde quand je parle de Vex « Oh là là là làààà, je l’adore ! J’adore son travail ! Tu lui donneras son exemplaire ! tu lui diras merci de m’avoir envoyé des photos pour le livre ! Elle est géniale ! Elle vient te voir ? »

Hé oui, Vex vient me voir. J’arrive pas encore trop à le croire moi-même. Je lui ai demandé en mars quand on s’est vues si elle accepterait de tourner des images pour le documentaire avec Fred. On voudrait avoir son point de vue de camgirl qui a évolué et a créé quelque chose en partant de son expérience des shows live. Et elle a dit oui ! On devait aller chez elle en Angleterre, mais finalement elle vient à Toulouse. Je suis contente de la revoir si vite après la Fête du Slip.

Vex Carmina Toulouse
Selfie avec Jean Jaurès

On a quand même un peu fait les touristes, même si on a bien travaillé. On a enregistré une interview avec Fred devant mon décor préféré de Toulouse, le dôme de La Grave. On a parlé de ses débuts en webcam, de comment et pourquoi elle avait commencé à s’y mettre. Du moment où elle a décidé de se consacrer à créer des films avec son collectif Four Chambers, « pour voir » et comment ça a marché tellement qu’elle n’a pas eu envie d’arrêter. On discute de l’aspect social de la webcam et à quel point ça prend le pas sur le sexe, finalement. Avoir son expérience en direct me donne confiance en ce qu’on fait pour ce documentaire, et en ce que je fais en général, parler de webcam, de travail du sexe, expliquer ce qu’on fait, essayer de sensibiliser les gens à ce qu’on subit comme harcèlement en ligne, et les clichés qui circulent sur le métier. Je pense qu’avec ce genre de contenu le documentaire sera sérieux.

Le lendemain on en a profité pour faire un Facebook live pour le mettre sur la page du Tag Parfait. J’ai fait ça en direct de chez moi, mais je me suis rendue compte que mon partenaire n’était pas à l’aise avec ça, même si j’avais fait attention à choisir un endroit qui reste neutre. Ce sont des choses que j’ai du mal à comprendre, mais que je dois absolument prendre en compte. Même pour la webcam ça devient compliqué car je dois toujours faire très attention à ce que rien ne soit visible dans l’arrière-plan, ni photos ni objets personnels, et j’ai de moins en moins le courage de tout préparer. Je le comprends, mais c’est difficile car ce n’est pas quelque chose qui me préoccupe personnellement, alors je n’y pense pas. Néanmoins, je me promets de faire attention à l’avenir et de respecter son besoin d’anonymat et sa vie privée.

C’était un réel plaisir de parler avec Vex et de passer du temps avec elle, en copines. Je l’ai aussi emmenée faire le tour des églises de la ville pour satisfaire notre amour commun de l’esthétique religieuse. J’en profite pour faire la maline avec tout ce que j’ai appris à la fac (et en ayant été élevée dans un environnement catholique). On a visité un lieu abandonné à Toulouse et on a fait des photos. Je crois que ça me plaît bien d’en faire, mais je suis pas super douée. J’ai un réflex basique que mes parents m’ont offert, mais pour l’instant je m’en sers assez mal.

Quand Vex repart, je suis un peu perdue comme toujours. J’ai l’impression de ne pas avoir été à la hauteur pendant ces quelques jours. Est-ce qu’elle a bien mangé ? Est-ce qu’elle a aimé le séjour ? J’ai l’impression de ne pas avoir une vie assez cool pour elle, ou pour les autres. Je vis pas dans une capitale hyper cool, j’ai un boulot de bureau un peu plan plan dans une toute petite boîte… j’ai pas de bande de potes queer prêts à partir en club électro BDSM à n’importe quelle heure. J’aime ma vie ici mais j’ai l’impression d’être si classique et je ne sais pas pourquoi, ça me complexe. Entre syndrome de l’imposteur et manque de confiance en moi, tout est plus difficile.

Et puis le sentiment d’abandon revient. Passer deux jours à parler de porno, de webcam avec quelqu’un qui me comprend c’est toujours très enrichissant et rassurant, mais quand ça se termine, c’est toujours compliqué. Heureusement, quelques jours plus tard, je reçois une confirmation de Parker pour notre prochaine réunion Skype. J’ai très hâte, j’ai énormément de choses à lui demander pour avancer sur le projet.

Comme la dernière fois, on passe des heures à discuter et à plaisanter. On parle beaucoup de travail mais aussi de choses et d’autres. Je crois que j’ai un « léger » crush pour ne rien vous cacher. Pendant la conversation je lui ai donné mes premières idées de scenario pour un éventuel film. Je pensais à plusieurs choses, qui s’inspirent de ma vie réelle et de notre relation. Par exemple une des mes idées serait une conversation entre nous deux, au sujet de mon envie de me lancer en tant que performeuse et partir de là. C’est un peu meta. Mon autre idée était celle d’une entrepreneuse qui prend des cours de prononciation en anglais parce qu’elle a une grosse présentation au travail et qu’elle veut être parfaite (on se refait pas, que voulez-vous), ce qui permettrait d’explorer les dynamiques prof et élève en sortant du cliché de l’étudiante avec jupe écossaise (que j’apprécie pourtant, mais je n’ai plus 19 ans non plus !). Rien que d’en parler avec lui ça me donne chaud, et j’ai l’impression que lui aussi. Après ça, je suis confortée dans mon choix de premier partenaire pour un film.

Le samedi suivant, je me rends à ma première Pride. Je n’avais jamais osé, comme je n’ai pas d’amis LGBT à Toulouse avec qui m’y rendre, et qu’avant j’étais plus au moins « dans le placard ». Je suis restée assez loin du cortège, comme si j’étais là mais pas vraiment. Encore un peu timide, je crois. Avec tout ça, je n’ai pas eu le temps de faire des live sur Chaturbate, mais j’ai un de mes habitués plutôt généreux qui m’a commandé un show privé d’une heure. Je n’en fais pas souvent d’aussi longs tout simplement car c’est vraiment très compliqué et fatiguant. Il faut avoir un sens du timing précis, et de la conversation. Même moi qui n’ai pourtant pas de problème à parler et raconter ma vie, il faut trouver les sujets, et amener une ambiance de séduction, plaisanter, être sexy. Ce n’est jamais « simple » ou « facile », c’est toujours un moment de concentration. Je suis en représentation, le client paie. C’est du travail.

La suite au prochain épisode

4 réflexions sur “Journal d’une Camgirl #404 – L’Anglaise a débarqué

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.